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Tuesday, October 18, 2011

André Breton: L'adieu à Arshile Gorky


Que tu étais grand tes bras ouverts
Ta voix était un nid d'aigle
Quand tu chantais sans cape les vieilles chansons russes
Tu avais reçu en partage la ligne pure
A ne savoir qu'en faire
Et le lourd filet que tu ramenais seul
Du fond des temps
A longues brassées mêlait les charmes de la saison et les souvenirs
Il fallait te voir sur le motif
Toi et le splendide aveugle qui te doublait
Le figuratif et le non-figuratif
C'est toi qui faisais craquer ce pain sec
Je te revois avec ton bâton de la fable
Parmi les étoiles et les arbres fleuris
Je me déchire de ta destinée
Comme ils se sont acharnés mon vieil Arshile
Ah il aime le feu où est sa maison qu'on brûle
Elle et ce qu'il y garde le témoignage de vingt ans d'efforts désintéressés
En rupture avec tout ce qui se voit aujourd'hui
Tu m'allèches, maudissons-le disait la cendre à la braise.
Et comme ce n'était pas assez,
Ils ont tenu à te mettre de ton propre rouge à l'endroit du soleil de ta personne.
Puis, comme tu revenais,
Ils t'ont guetté pour te rompre le cou
En ce point le plus tendre que tu aimais
Faire rayonner ta fille-fée
Pour voir à vous deux plus loin.
Qui sait s'ils n'avaient pas d'autres tours dans leur sac
Il ne t'est plus resté
Qu'à te donner la mort tragique de Gérard de Nerval.
Que tu es haut
Dans l'air
Moins que dans ce que tu nous laisses
Moins que ton nom
Pointé sur les grandes tempêtes de mon cœur.


Farewell to Arshile Gorky
How great you were your arms wide open
Your voice was an eagle’s nest
When you sang uncloaked the old Russian chants
You had acquired your share of the chaste line
With no knowledge of its purpose
And the heavy net that you pulled in alone
From the depths of time
In long armfuls the fusion of frequent enticements and keepsakes
You should have been seen on the theme
You and your splendid blind twin
The realist and the non-realist
You were the one who made this dry bread crack
I see you once more with your fabled staff
Among the stars of blossoming trees
I tear myself free of your destiny
How they were bent on destruction my old Arshile
Oh how he loves the fire where they burn his house
Where he safeguards the twenty years’ witness of selfless exertion
Ruptured from all that can be seen today
You entice me–let us curse it said the ash to the ember
And as it was not enough
They chose to set you by your own red
In the space of the sun of your very self
Then as you kept coming back
They stalked you to break your neck
At that most tender point that you loved
To make shine your fairy-maiden
To fathom the distance by yourselves.
Who knows if they had other tricks in their bag
There was no more left for you to do
Than to give yourself Gérard de Nerval’s tragic demise
How high you are
In the air–
Less than what you leave us
Less than your name
Pinned on the vast storms of my heart
–––––––––––André Breton
Translated by Tatul Sonentz