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Sunday, August 12, 2007

Armen Lubin: Le passager clandestin

L’hôpital accueille les éclopés de la foire,
Ceux qui avaient misé dans les jeux à miroir.

Il les accueille comme on abat à bout portant,
Le mal physique a soumis même les dissidents.

Même l’enfance oubliée qui soudain se montre,
Même l’enfance qui soupèse le pour et le contre

Afin de savoir si les ténèbres seront comblées
Vus d’en bas, ils semblent immenses nos démêlés.

Immense le plafond, immense la noire veilleuse
Drossée, engloutie par la marée houleuse,

Mais en bon matelot sachant lover une corde
La douleur touche son homme pour qu’il se torde.

Elle le met en boule, les genoux dans le menton,
Elle le met en boule, en boule sur le ponton,

Jusqu’à ce qui soit lové selon l’art du capitaine
Avec trou dans le milieu pour un passager clandestin.


Armen Lubin, Le passager clandestin, Sainte patience, Les hautes terrasses, Poésie/Gallimard n° 404, 2005, p. 45

Friday, July 13, 2007

Armen Lubin: SANS RIEN AUTOUR

N’ayant plus de maison ni logis,
Plus de chambre où me mettre,
Je me suis fabriqué une fenêtre
Sans rien autour.

Fenêtre encadrant la matière
Par le tracé de son contour,
Elle s’ouvre comme la paupière,
Se ferme sans rien autour.

Se sont dépouillées les vieilles amours,
Mais la fenêtre dépourvue de glace
Gagne les hauteurs, elle se déplace,
Avec son cadre étonnant,

Qui n’est ni chair ni bois blanc,
Mais qui conserve la forme exacte
D’un oeil parcourant sans ciller
L’espace soumis, le temps rayé.

Et je reste suspendu au cadre qui file,
J’en suis la larme la plus inutile
Dans la nuit fermée, dans le petit jour,
Ils s’ouvrent à moi sans rien autour.



— From Les Hautes Terrasses by Armen Lubin, ©Editions Gallimard, 1957/2005.


Armen Lubin: With Nothing around it

No longer having a house or dwelling,
No more room to put myself in,
I built a window 
With nothing around it.

Window framing the material
By tracing its outline,
It opens like an eyelid,
Closes with nothing around.

Stripped of old loves,
But the glass free window
Gains heights, it moves,
With its astonishing frame,

Which is neither flesh nor white wood,
But which keeps the exact shape
Of an eye browsing without blinking
space submitted,  time erased. 

And I remain suspended in the frame that flees,
I'm the most useless tear in it
In the closed night, in the small day,
They open up to me with nothing around.

Translated by Lola Koundakjian

Thursday, May 31, 2007

Chahan CHAHNOUR - Շահան Շահնուր


Le poète Armen Lubin, connu sous le nom de Chahan CHAHNOUR.

Naissance le 3 août 1903, dans un faubourg d'Istanbul, en Turquie, décès le 20 août 1974, à l'hôpital de Saint-Raphaël, en France.

Chahan Chahnour, de son vrai nom Chahnour Kerestejian. Il termina ses études au Collège Berberian en 1921, et commença des contributions au journal "Vosdan", essentiellement des traductions.

En 1923 il vint à Paris, où il travailla comme photographe, et en 1929 il publia son premier roman écrit en arménien, Retraite sans chanson ("Նահանջը առանց երգի"), qui avait été publié en feuilleton dans le journal arménien "Haratch" à Paris. En 1933, il publia son second ouvrage, également écrit en arménien, "Le Retour des vampires", un recueil de nouvelles. En 1937 il fut victime d'une terrible maladie osseuse (ostéolyse) qui le rendit invalide et lui valut des souffrances le reste de sa vie, qu'il passa dans des hôpitaux après la perte de sa maison en 1939.

En 1945, s'étant partiellement remis de sa maladie, il commença à écrire en français, sous le nom d'Armen Lubin ; ce fut le début de sa grande célébrité comme écrivain et poète français qui lui valut de nombreux prix littéraires. Il publia en français LE PASSAGER CLANDESTIN, SAINTE PATIENCE, TRANSFERT NOCTURNE, LES HAUTES TERRASSES, et FEUX CONTRE FEUX. En 1962, un recueil de ses oeuvres en arménien fut imprimé à Erevan par Haybedhrad Press. En 1967 il publia DEUX CARNETS ROUGES en arménien, et en 1971 LE REGISTRE OUVERT également en arménien. Chahnour mourut le 20 août 1974, à l'hôpital de Saint-Raphaël, en France.


Auteur de Le passager clandestin (1948), Sainte patience (1951), les hautes terrasses (1957) aux editions Gallimard et Les logis provisoires, editions Rougerie, 1983

L’ETOILE SE MONTRE

Rien que cette terre, rien que cette sévérité première
Qui s’oppose à toute concession
Pour pouvoir rester barrière ;
Mais que le ciel nocturne s’arrondisse
Qu’il s’ouvre aux résonances,
Mais que le ciel nocturne résonne
Et que son battant de cloche s’appelle Espérance,
C’est en de telles aventures que l’étoile se montre sans défense.


extrait de "C'était hier et c'est demain", éd. Seghers, 2004

Armen Lubin: MINUIT

Le vent bouscule les plus gros déménageurs
Dont les meubles sortent en tumulte de la forêt.
A l'hôpital le silence s'étale plus qu'ailleurs
Quand l'homme se démeuble au dernier degré.

L'arrière-pays n'est plus pour l'homme,
Pour l'homme étalé. Il est la bête de surface
Descendu de ses hauteurs, remonté des profondeurs,
A l'hôpital il y a un mur plus qu'ailleurs.

Plus rien ne passe sinon l'attentat ultime
Qui colle les paupières pour qu'elles se suppriment,
Sinon la glace qui pose une bonne couche
Au-dessus du mal pour en cautériser la bouche.

Moi, je ne dis mot, pour garder l'espoir d'un accord.
Nous serions disposés à abandonner le corps
S'il n'était déjà si solitaire dans le drame,
Il fait toujours minuit lorsqu'on parle de l'âme.

Armen Lubin (SHAHAN SHAHNOUR/Chahan Chahnour 1903-1974)
Sainte patience [Extrait],
nrf, Poésie/Gallimard, préface de Jacques Réda, 2005, p. 127.